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dimanche 10 août 2014

Interview - Jean-Claude Marguerite


Un grand merci à Jean-Claude Marguerite pour cette interview

- D’où vous est venue l’idée du Vaisseau ardent ?

En revenant de voir Hooks, de Stephen Spielberg, séduit par l’idée du Pays imaginaire visité par des adultes, j’ai inventé une histoire pour mon fils qui avait huit ans. Je souhaitais moins mettre en scène un monde irréel que pousser le plus loin possible l’idée d’une communauté d’enfants vivant à l’écart des adultes. Ils jouent et cela leur prend tout leur temps. Bien sûr, il y avait un pirate qui veillait sur eux dans un vaisseau fabuleux, lequel suscitait la convoitise d’explorateurs qui perturbaient cette belle utopie… De ce conte, j’ai tiré un court récit, puis un petit roman que j’ai proposé à des éditeurs jeunesse, sans succès, mais avec de réels encouragements.


- Considérez-vous ce roman comme l’œuvre de votre vie ?

Plus maintenant, mais en l’écrivant, oui. C’était mon premier roman. Je me disais que s’il devait n’y en avoir qu’un, ce serait celui-là (ce qui est toujours le cas). C’est ce qui m’a donné l’audace de mêler autant d’histoires et de formes d’écriture. Je ne suis pas sûr de retrouver le même élan, mais ce n’est pas non plus nécessaire. J’ai d’autres livres en tête, ils me stimulent chacun à leur manière.


- Avez-vous d’autres projets littéraires ?

Oui. De quoi écrire pendant plusieurs vies. Le choix est difficile. D’autant que j’écris comme je peindrais des glacis monumentaux, par d’innombrables couches minces et en laissant longtemps reposer entre deux… Je réécris sans cesse, pas seulement pour le style, mais pour apporter de la profondeur, passer en actions ce que je conçois d’abord en longues descriptions…


- Quel est le message le plus important de votre livre ?

La question posée dès le prologue n’a pas quitté ma tête : « Qu’est-ce qui est important ? » Elle a accompagné la conception de chaque personnage — tous cherchent leur trésor, mais la nature de leur trésor ne cesse d’évoluer…

La dédicace n’est pas vaine, non plus : sans une réelle préoccupation des enfants des rues et des enfants perdus, cette histoire serait restée une simple aventure. Mettre en scène une communauté utopique, joyeuse et délirante, sans l’éclairer par la réalité tragique des enfants délaissés, n’avait pas de sens. La partie intitulée « Les Petits » s’inspire grandement des gangs d’enfants contemporains. Cet « engagement » ne se limite pas à ce roman et n’est pas que littéraire.


- Le mélange d’un récit réaliste et du fantastique/légende est-il un choix réfléchi ?

Oui, absolument. Ce qui nous anime, c’est ce que nous croyons, et peu importe que ce que nous croyons soit rationnellement prouvé et reconnu à l’unanimité (le Déluge a été perçu comme une réalité, certains y croient encore ; dans tous les cas, ce mythe fait partie de notre héritage culturel).

Par ailleurs, j’ai développé la figure du pirate parce qu’elle exprime très exactement ce point de vue : nous en avons tous, immédiatement, une vision romanesque ; en cela, il constitue une porte d’entrée dans notre imaginaire, dans notre part d’enfance. Or, sa réalité est toute différente. D’un côté, il n’a rien d’un personnage sympathique ; de l’autre, certains étaient animés de projets sociaux, d’utopies — d’où la place de Libertalia dans le roman.


- Quel est votre personnage favori dans Le Vaisseau ardent ?

Tous, ou presque. Il y en a un que je n’ai pas réussi à aimer, je vous laisse deviner lequel. Pour les autres, cela a été un vrai déchirement d’arrêter d’explorer leur vie. C’est assez surprenant, du reste : ils ont acquis une telle réalité que je réécrivais avec plaisir les passages les concernant pour aller plus loin dans leur approche des situations, leurs tics, leur parler, leur histoire propre… En faire souffrir, en faire mourir a été pénible, et mettre le mot fin très difficile. 


- Comment s’est passée l’écriture de votre roman (je crois que vous y avez passé énormément de temps ?) ?

Sa rédaction s’est étalée sur plus de dix-huit ans… La première version sur une douzaine d’années, mais quelques jours par an ; la seconde sur sept ans, en y travaillant tous les jours, ne serait-ce que le temps de retravailler un paragraphe. C’est un premier roman, la seule idée d’être publié relevait de la gageure. Mais je n’ai pas cédé à l’idée d’un livre facile. En contrepartie, il n’y a pas une ligne qui n’ait été réécrite plusieurs fois. Le prologue a été le plus difficile, réclamant une bonne douzaine de versions avant d’être jeté à la corbeille pour repartir de la page blanche, et pour cinq ou six réécritures…


- Avez-vous un conseil pour les écrivains en herbe ?

Plutôt qu’un conseil, je voudrais rapporter une expérience. Mon roman jeunesse a toujours été refusé, alors que je l’avais remanié trois ou quatre fois… Et puis, lors d’un dîner, la conversation a soudain porté sur ce livre que j’ai dû résumer. En le faisant, je me suis rendu compte que j’avais commis deux erreurs. La première, c’est que je l’avais écrit pour des enfants, alors que j’avais envie de parler des enfants aux adultes. La seconde, c’est que ce vaisseau qui brûlait sans se consumer devait devenir la figure centrale du roman, à l’égal d’un personnage… Du coup, j’ai tout repensé, tout refait, accepté l’ampleur de cette nouvelle approche, son exigence. Cela m’a pris sept années et je ne le regrette pas.


- Avez-vous un genre littéraire préféré ? Quels sont vos livres préférés ?

Je suis très éclectique en lecture, avec des périodes (actuellement, des classiques ; les deux derniers, Le Journal d’une femme de chambre, d’Octave Mirbeau, et Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell). Quant à mes préférés, ils occupent plusieurs bibliothèques (et de plus en plus de place sur ma liseuse). Mon plus ancien coup de cœur « SF » est Micromégas, de Voltaire.


- Un petit message pour vos lecteurs ?

Quelle est la nature du trésor qui vous fait courir ?

4 commentaires:

  1. Une interview qui donne bien envie de découvrir les livres de cet auteur =)

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  2. Comme dit Marinette, ton interview donne envie de découvrir cet auteur! Plus de 18 ans pour écrire un livre! Au moins, il est persévérant!

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  3. Son roman est justement dans ma PAL ;)
    Très jolie interview !

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  4. Je ne connais pas cet auteur, mais son interview me donne envie de le découvrir :)

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