lundi 21 janvier 2019

Maison des rumeurs - Colm Tóibín

Chronique de Scarlett
Traduction : Anna GIBSON
Résumé : Après le sacrifice de sa fille, une mère fomente la mise à mort de l’assassin. Enragée, elle crie sa joie de venger son enfant. Puis son fils est enlevé et passe des années en exil où, dans un douloureux monologue intérieur, il revit le meurtre de sa soeur. Au foyer, il ne reste qu’une fille, obsédée jusqu’à la folie par la place démesurée qu’occupent les disparus dans le coeur de leur mère.
Clytemnestre, Oreste, Électre. Ils mêlent leurs voix en un choeur tragique pour raconter ce drame : l’assassinat d’Iphigénie par son père en échange d’une victoire à la guerre.
Dans des paysages sauvages qui rappellent les contrées isolées d’Irlande, Colm Tóibín donne aux héros et aux héroïnes du mythe grec une humanité bouleversante, inattendue, qui nous hante longtemps.






Chronique :


 « Qu ‘est ce qu’une vie ? Il y en a tant. Tant d’autres, semblables à nous, viendront et vivront. Chaque souffle est suivi d’un autre souffle, chaque pas d’un autre pas, chaque mot du mot suivant, chaque présence dans le monde d’une autre présence. Peu importe qui meurt, nous serons remplacés. ».

Avec Maison des rumeurs, Colm Tóibín orchestre avec brio une tragédie entre autres sur les mensonges et  les secrets de famille, le meurtre et la mort.


C’est un mythe modernisé, où les personnages sont sublimés dans leurs douleurs, leurs égarements, leurs choix puisque les Dieux les abandonnent à leurs humaines faiblesses et à leurs émotions.

On chemine au côté de Clytemnestre, cette mère assoiffée de vengeance après le meurtre de sa fille Iphigénie sacrifiée par son propre père dans l’espoir de rassurer les dieux.

L’auteur nous donne à voir une mère à la fois déterminée et puis au final enlisée dans sa tragédie, une femme à la fois forte et si fragile et dont Colm Tóibín nous livre de manière magistrale les errances, et les émotions, les réflexions qui résonnent si justement  quand il nous décrit par exemple une Clytemnestre égarée  dans un au-delà ou les couleurs , les odeurs , la vie s’efface tout simplement pour laisser place à un vide abyssal. 


Le lecteur croise aussi la route d’Agamemnon, ce roi illustre dont la mémoire collective retiendra le choix de tuer sa fille pour assouvir son désir de gloire, Iphigénie qui accepte son destin comme étant inéluctable.

Oreste et Electre les autres enfants d’Agamemnon et Clytemnestre sont très présents dans ce livre, l’un sans réelle envergure, l’autre au prise avec une certaine folie, et dans ce  roman se succèdent l’histoire et le ressenti des uns et des autres, leur évolution au fil du temps pour aboutir à l’inexorable fin.


L’auteur nous livre une réécriture très réussie de ce classique drame antique, ou les femmes ont une étoffe sublimée et semblent lutter contre leur destin, alors qu’à l’image d’Oreste, certains le subissent. 


Colm Tóibín excelle dans l’art d’écrire les sentiments qui nous animent, nous agitent et les tragédies grecques ont cette même finalité, alors quand les deux se mêlent pour nous parler de personnages tellement humains dans leur complexité, de la vie et de la mort, il en résulte un beau roman.


Merci Monsieur, c’est toujours un tel plaisir de vous lire.


Ils absorbèrent la lumière du matin, de plus en plus radieuse, ainsi qu’il en serait toujours au commencement de chaque nouveau jour, peu importe qui arrivait et repartait, qui naissait, peu importe ce qui était oublié ou remémoré. Avec le temps, une fois qu’eux-mêmes seraient passés du côté des ombres, ce qui était advenu ne hanterait plus personne et n’appartiendrait plus à personnes.






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