mardi 8 janvier 2019

Nirliit - Juliana Léveillé-Trudel

Chronique de SCARLETT

Résumé : Une jeune femme du Sud qui, comme les oies, fait souvent le voyage jusqu’à Salluit, parle à Eva, son amie du Nord disparue, dont le corps est dans l’eau du fjord et l’esprit, partout. Le Nord est dur – «il y a de l’amour violent entre les murs de ces maisons presque identiques» – et la missionnaire aventurière se demande «comment on fait pour guérir son cœur». Elle s’active, s’occupe des enfants qui peuplent ses journées, donne une voix aux petites filles inuites et raconte aussi à Eva ce qu’il advient de son fils Elijah, parce qu’il y a forcément une continuité, une descendance, après la passion, puis la mort.










Chronique :



"Je refuse qu’on te condamne pour avoir aimé le mari d’une autre. Je refuse qu’on écrase brutalement ceux qui sont trop lumineux pour le reste du monde, je refuse qu’on empêche les étoiles de briller, je refuse qu’on force les comètes à ralentir pour ne pas faire de jaloux."


Le livre de Juliana Léveillé-Trudel « Nirlitt » nous amène à Salluit dans le grand nord canadien, au bout du monde dans un endroit de fjord, de froid, d’été arctique où les nuits ne sont jamais noires, dans un village d’une centaine de maisons à tout casser.

Dans ce village l’été on croise la narratrice qui revient chaque année à Salluit chez les Inuits pour s’occuper des enfants et qui cet été dans  ce roman s’adresse à Eva son amie inuite disparue et à qui elle conte le manque qu’à laisser sa mort mais aussi  sa vision du Nord, des locaux et des « envahisseurs » venus du sud Québec, ceux des grandes villes . Elle dit ses colères, ses émotions, les joies que lui procure cette région polaire à la fois fascinante, isolée et âpre.

Dans ce petit village on croise des visages très différents, d’Elijah le fils d’Eva amoureux de Maata si belle et si discrète Maata ,mère à 16 ans comme tant d’autres jeunes femmes inuites de son village et qui comme tant d’autres s’éprend d’un « blanc » du sud Félix venu pour une ou quelques saisons . Il y a aussi Lauren la Manitobaine qui gère le Northern store et s’agace parfois de la nonchalante indolence des natifs, Suzanne l’enseignante et tous ces êtres de passage comme Rémi le breton, Miguel le péruvien Victor du Cameroun qui passent comme des météorites.

Le roman est construit en deux parties, la première ou l’auteure laisse la narratrice nous parler de toutes et de tous à Salluit mais surtout d’Eva engloutie dans les profondeurs du fjord suite à un drame adultérin si commun dans ce lieu, Eva détentrice d’une identité culturelle en perdition. Dans la seconde phase du livre Eva laisse la place à son fils Elijah en quelques sortes ainsi qu’à son histoire, celle de son amour  pour Maata qui aime Félix qui aime… 

Ce roman nous parle de caribous, de toundra ,d’aurores boréales mais aussi des Inuits de leur identité qui se fracasse contre les codes des gens du sud, de leur beauté qui se fane vite avec les abus de froid , d’alcool de mépris, de l’assistanat financier  de l’état qui les rend dépendants . On ressent tout le désespoir d’un destin écrit par avance, d’une fatalité sans issue « vous êtes là avec vos vies de tragédies grecques, vous feriez baver Shakespeare.. ».

Le livre de Juliana Léveillé-Trudel nous montre aussi un ballet incessant de ceux qui fuient le grand nord, de ceux qui y passent juste et  laissent des souvenirs indélébiles, de ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’y rester pour y vivre ou mourir. Ceux qui voudraient partir, ceux qui le font, ceux qui…et au milieu de tout cet enchevêtrement, des enfants, de beaux enfants comme Cecilia et tant d’autres.

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"Parce qu’on vous abandonne tout le temps, on a fait de vous des parenthèses à l’infini, des aventures que l’on vient vivre pour un temps avant de retrouver nos vies rangées du Sud ou repartir vers de nouvelles expériences qui nous semblent maintenant plus alléchantes que votre exotisme du Nord."



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