lundi 18 février 2019

Sud & Ouest - Joan Didion

Chronique de Scarlett
Traduction : Valérie Malfoy
Résumé : Deux carnets conservés par Joan Didion depuis les années 1970 sont aujourd’hui rassemblés en un seul volume.
Il s’agit tout d’abord d’un carnet de voyage  : en juin 1970 Joan Didion et son mari ont sillonné le Sud des États-Unis  (la Louisiane, le Mississippi, l’Alabama), et en de courts chapitres non datés Joan Didion livre ses observations sur les lieux, les paysages ou les gens rencontrés. Le deuxième carnet, daté de 1976, est constitué des notes prises par Didion quand elle s’est installée dans un hôtel à San Francisco pour couvrir le procès de Patty Hearst. L’auteure revient sur la figure de sa grand-mère, ses lectures, et sur son appartenance à cette Californie depuis qu’elle a traversé pour la première fois le Golden Gate Bridge. Les deux textes nous permettent de mieux comprendre l’Amérique de ces années-là, et de ce fait, l’Amérique de Trump, dans ce court livre brillant où l’acuité du regard de Didion fait toujours mouche.




Chronique :


  "Le Sud se noyant dans son passé, l’Ouest se tournant vers les frontières lointaines avec son eternel et fervent optimisme. « L’avenir semble toujours prometteur sur cette terre promise, a t-elle écrit dans Quelques rêveurs du rêve d’or, parce que  nul ne se rappelle le passé » Dans le Sud, personne ne peut l’oublier."



Sud & Ouest est un petit carnet de voyage, celui qu’a entrepris Joan Didion en 1970 dans les contrées du Sud , ainsi qu’ une réflexion sur un autre séjour en Californie cette fois , tout en croisant subtilement les absolues différences entre ces deux univers qui appartiennent au même monde américain et occidental.

L’auteure décide en 1970 de faire un périple dans les états du Mississipi, de la Louisiane et de l’Alabama sans raison particulière, si ce n’est le sentiment  que « le Sud » à ce moment-là représente « le centre psychique » des USA.

Joan Didion nous décrit avec brio le fatalisme de la Nouvelle Orléans, le golfe du Mexique coté Mississipi, « l’atmosphère lourde d’eaux stagnantes », l’empreinte des ouragans. On découvre durant ce road trip nonchalant les plantations de coton, des lignes de chemin de fer, des gymnases entretenus , une ambiance un peu machiste « chasse et pêche » et des thés animés par des dames du Sud .Les rencontres de l’auteure permettent de suivre la problématique sociale des noirs du Sud , le conservatisme mais aussi cette identité propre qui laisse à ceux qui quittent le Sud une marque de fabrique indélébile.

La lecture du livre est particulièrement savoureuse car le style de Joan Didion est imagé, stylé et on se prend à rêver en croisant des noms de routes, de villes, de lieux tels Chef Menteur Highway, Pass Christian ou Tuscaloosa.
Bien que datant des années 70, ces carnets de route ont des résonnances d’une vraie actualité au vu du protectionnisme, du conservatisme de certains qui se heurte à une évolution inexorable mais pas toujours choisie. 

L’auteure trouve les justes mots pour nous expliquer ce sentiment d’appartenance à certains lieux plutôt qu’à d’autres, qui font de nous parfois de parfaits étrangers dans certaines régions de notre propre pays.

La préface de Nathaniel Rich est une ode puissante au talent de l’auteure.
J’ai vraiment aimé cheminer auprès de vous, Madame et je vous remercie pour cette balade dans un Sud que votre écriture m’a permis de ressentir très distinctement.

"Au cœur de cette histoire, il y a un terrible secret, un grain de cyanure, et le secret est que l’histoire ne compte pas, ne change rien, n’a pas de sens. La neige tombe toujours dans la Sierra. Le Pacifique tremble toujours dans son bol…Dans le Sud ils sont convaincus qu’ils ont pu ensanglanter leur pays avec l’histoire. Dans l’Ouest, il nous manque cette conviction."


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