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vendredi 24 janvier 2020

Le ciel à bout portant - Jorge Franco

Chronique de Scarlett
Traduction : René Solis
Résumé :  Si une des grandes questions de la littérature est comment “tuer” le père, que faire quand son propre père a été le bras droit de l’un des plus grands assassins du pays ? Larry arrive à Medellín douze ans après la disparition de son père, un mafieux proche de Pablo Escobar. À son arrivée, ce n’est pas sa mère, l’ex-Miss Medellín, qui l’attend, mais Pedro, son ami d’enfance, qui vient le chercher pour le plonger dans l’Alborada, une fête populaire de pétards, de feux d’artifice et d’alcool où tous perdent la tête. Larry retrouve son passé familial et une ville encore marquée par l’époque la plus sombre de l’histoire du pays. Il ne pense qu’à fuir son enfance étrange liée au monde de la drogue. Mais il cherche aussi une jeune fille en pleurs rencontrée dans l’avion et dont il est tombé amoureux. Entrecroisant des plans différents, Jorge Franco, étonnant de maîtrise narrative, fait le portrait de la génération des enfants du narcotrafic, qui sont de fait les victimes de leurs pères, et nous interroge sur l’importance de la mémoire pour que l’histoire ne se répète pas. Une construction impeccable et des personnages ambigus et captivants : un roman qui ne vous laisse aucune trêve et qu’on dévore, fasciné.

Chronique :


"Au fond, on aperçoit Medellin, entre misère et grandeur. Le paysage reste émouvant. Avec tout ce qui a changé, tout ce qui a été perdu, et parce que ce creux entre les montagnes, cette fourmilière où l’on ne compte plus les mort et les bannis et qui nous a tous marqués est toujours debout, plus solide même… "


Un homme prend l’avion en Europe , destination la Colombie. Cet homme c’est Larry, il retourne à Medellin après 12 ans d’absence. Il va rejoindre son passé, retrouver sa famille. Dans l’avion, une jeune femme en pleurs, Charlie. Elle vient d’apprendre la mort de son père et elle boit. Des destins croisés, des instantanés de chagrin partagés dans un avion, et Larry et son passé, son présent et son avenir, le tout tissant une toile sur fond de liesse colombienne où l’absent qu’est son père ressort en technicolor.

Dans Le ciel à bout portant de Jorge Franco on suit les pas de Larry  qui le conduisent d’un passé émotionnellement puissant et éprouvant à un présent nostalgique et si différent parce que rien ne dure. Un présent où il retrouve son frère Julio fan de nature et d’espaces et sa mère ancienne reine de beauté un peu hystérique et dramatique et bien sur l’ombre de Libardo son père fidèle lieutenant d'Escobar. 

Ce roman est une histoire douce-amère parlant d’enfants marqués par les narcos de Medellin, d’adultes marqués par un père disparu, d’adultes nostalgiques mais aussi tiraillés entre le manque que ce père a créé et le soulagement que sa disparition a aussi engendré. Ce livre parle aussi d’une histoire de Medellin, celle de l’après Escobar.

J’ai aimé m’imprégner de l’Alborada cette fiesta colombienne bruyante et colorée. J’ai aimé observer Larry, sa famille. J’ai ressenti l’incroyable impact que le nom d’Escobar représentait. J’ai regardé attendrie les échanges entre Larry et Charlie dans cet avion qui les amènent vers leur pays natal. J’ai compris ce que ressentait Larry envers son père, ses sentiments ambivalents entre amour et détestation, ce poids que la vie de Libardo a infligé dans les décisions passées et à venir de sa famille. Quel enfant fait des choix totalement indépendants de son passé, de sa famille ou de son environnement ?

Le roman de Jorge Franco est un livre subtil avec des personnages attachants et tout en nuance qui oscillent entre passé et présent dans une danse menée de main de maître par l’auteur et qui soulève au-delà de ce récit  le sujet universel de  l’héritage. L’héritage émotionnel irréversible d’une histoire, et de l’Histoire…

J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre, l’auteur m’a emmenée en Colombie à Medellin lors de l’Alborada, j’ai entendu les cris, les rires et vu les feux d’artifice et dessous les cicatrices et les souvenirs.

"Le temps vécu dans cette maison et aussi les années d’absence. Les années heureuses, celles qui sont passées parce qu’elles devaient passer, les après-midi morts, les matins mouvementés, les nuits et l’angoisse, la tendresse et la violence. Tout m’oppresse, me fait mal et me libère."
 





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