Chronique de Scarlett
Traduction : René Solis
Résumé : Si une des grandes questions de la
littérature est comment “tuer” le père, que faire quand son propre père a
été le bras droit de l’un des plus grands assassins du pays ? Larry arrive à Medellín douze ans après la disparition de son père,
un mafieux proche de Pablo Escobar. À son arrivée, ce n’est pas sa mère,
l’ex-Miss Medellín, qui l’attend, mais Pedro, son ami d’enfance, qui
vient le chercher pour le plonger dans l’Alborada, une fête populaire de
pétards, de feux d’artifice et d’alcool où tous perdent la tête. Larry
retrouve son passé familial et une ville encore marquée par l’époque la
plus sombre de l’histoire du pays. Il ne pense qu’à fuir son enfance
étrange liée au monde de la drogue. Mais il cherche aussi une jeune
fille en pleurs rencontrée dans l’avion et dont il est tombé amoureux. Entrecroisant des plans différents, Jorge Franco, étonnant de
maîtrise narrative, fait le portrait de la génération des enfants du
narcotrafic, qui sont de fait les victimes de leurs pères, et nous
interroge sur l’importance de la mémoire pour que l’histoire ne se
répète pas. Une construction impeccable et des personnages ambigus et captivants :
un roman qui ne vous laisse aucune trêve et qu’on dévore, fasciné.
Chronique :
"Au
fond, on aperçoit Medellin, entre misère et grandeur. Le paysage reste
émouvant. Avec tout ce qui a changé, tout ce qui a été perdu, et parce que ce
creux entre les montagnes, cette fourmilière où l’on ne compte plus les mort et
les bannis et qui nous a tous marqués est toujours debout, plus solide même… "
Un homme prend l’avion en Europe ,
destination la Colombie. Cet homme c’est Larry, il retourne à Medellin après 12
ans d’absence. Il va rejoindre son passé, retrouver sa famille. Dans l’avion,
une jeune femme en pleurs, Charlie. Elle vient d’apprendre la mort de son père
et elle boit. Des destins croisés, des instantanés de chagrin partagés dans un
avion, et Larry et son passé, son présent et son avenir, le tout tissant une
toile sur fond de liesse colombienne où l’absent qu’est son père ressort en
technicolor.
Dans Le ciel à bout portant de Jorge Franco on suit les pas de
Larry qui le conduisent d’un passé
émotionnellement puissant et éprouvant à un présent nostalgique et si différent
parce que rien ne dure. Un présent où il retrouve son frère Julio fan de nature
et d’espaces et sa mère ancienne reine de beauté un peu hystérique et
dramatique et bien sur l’ombre de Libardo son père fidèle lieutenant d'Escobar.
Ce roman est une histoire
douce-amère parlant d’enfants marqués par les narcos de Medellin, d’adultes
marqués par un père disparu, d’adultes nostalgiques mais aussi tiraillés entre
le manque que ce père a créé et le soulagement que sa disparition a aussi
engendré. Ce livre parle aussi d’une histoire de Medellin, celle de l’après
Escobar.
J’ai aimé m’imprégner de
l’Alborada cette fiesta colombienne bruyante et colorée. J’ai aimé observer
Larry, sa famille. J’ai ressenti l’incroyable impact que le nom d’Escobar
représentait. J’ai regardé attendrie les échanges entre Larry et Charlie dans
cet avion qui les amènent vers leur pays natal. J’ai compris ce que ressentait
Larry envers son père, ses sentiments ambivalents entre amour et détestation,
ce poids que la vie de Libardo a infligé dans les décisions passées et à venir
de sa famille. Quel enfant fait des choix totalement indépendants de son passé,
de sa famille ou de son environnement ?
Le roman de Jorge Franco est un
livre subtil avec des personnages attachants et tout en nuance qui oscillent
entre passé et présent dans une danse menée de main de maître par l’auteur et
qui soulève au-delà de ce récit le sujet
universel de l’héritage. L’héritage
émotionnel irréversible d’une histoire, et de l’Histoire…
J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre,
l’auteur m’a emmenée en Colombie à Medellin lors de l’Alborada, j’ai entendu
les cris, les rires et vu les feux d’artifice et dessous les cicatrices et les
souvenirs.
"Le
temps vécu dans cette maison et aussi les années d’absence. Les années
heureuses, celles qui sont passées parce qu’elles devaient passer, les
après-midi morts, les matins mouvementés, les nuits et l’angoisse, la tendresse
et la violence. Tout m’oppresse, me fait mal et me libère."
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