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vendredi 23 août 2019

Ceux qui partent - Jeanne Benameur

Chronique de Scarlett 

Résumé : Tout ce que l’exil fissure peut ouvrir de nouveaux chemins. En cette année 1910, sur Ellis Island, aux portes de New York, ils sont une poignée à l’éprouver, chacun au creux de sa langue encore, comme dans le premier vêtement du monde. Il y a Donato et sa fille Emilia, les lettrés italiens, Gabor, l’homme qui veut fuir son clan, Esther, l’Arménienne épargnée qui rêve d’inventer les nouvelles tenues des libres Américaines. Retenus un jour et une nuit sur Ellis Island, les voilà confrontés à l’épreuve de l’attente. Ensemble. Leurs routes se mêlent, se dénouent ou se lient. Mais tout dans ce temps sus pendu prend une intensité qui marquera leur vie entière. Face à eux, Andrew Jónsson, New-Yorkais, père islandais, mère fière d’une ascendance qui remonte aux premiers pionniers. Dans l’objectif de son appareil, ce jeune photographe amateur tente de capter ce qui lui échappe depuis toujours, ce qui le relierait à ses ancêtres, émigrants eux aussi. Quelque chose que sa famille riche et oublieuse n’aborde jamais. Avec lui, la ville-monde cosmopolite et ouverte à tous les progrès de ce XXe siècle qui débute. L’exil comme l’accueil exigent de la vaillance. Ceux qui partent et ceux de New York n’en manquent pas. À chacun dans cette ronde nocturne, ce tourbillon d’énergies et de sensualité, de tenter de trouver la forme de son exil, d’inventer dans son propre corps les fondations de son nouveau pays. Et si la nuit était une langue, la seule langue universelle ?

Chronique :



"Où commence ce qu’on appelle « son pays » ?
Dans quels confins des langues oubliées, perdues, prend racine ce qu’on nomme « sa langue » ?
Et jusqu’à quand reste-t-on fils de, petit-fils de, descendant d’émigrés…"



 « Ceux qui partent », ou l’histoire de ceux qui partent, et de ceux qui restent ; de ceux qui arrivent et de ceux qui sont déjà là. Toute cette énergie humaine des êtres et des destins qui se croisent, se rencontrent et qui s’éloignent aussi pour certains. C’est tout cela le livre de Jeanne Benameur, une histoire, des histoires riches sublimées par l’écriture poétique de l’auteur. On lit des mots ciselés qui nous arrivent en plein cœur, des mots capables de nous faire sourire et puis pleurer et respirer.

Dans cet émouvant roman, on rencontre tant de personnages touchants .D’abord ceux qui arrivent comme Donato italien veuf et amoureux des beaux textes qui arrive à New York avec pour principal bagage l’Eneïde de Virgile et Emilia sa fille qui a choisi cet exil pour changer de vie, échapper à un destin trop lisse, pour vivre en femme libre . Esther, elle a fui les massacres arméniens et hantée par son passé elle espère un renouveau possible. Au milieu de ceux qui arrivent et attendent sur Ellis Island , il y a aussi Gabor bohémien qui s’exprime à travers la musique et son violon, très attentif à ce qui l’entoure il espère une Amérique plus ouverte que la vieille Europe. Tout comme Marucca amoureuse de Gabor secrètement, qui elle vibre dans le chant. Certains sont déjà là comme Andrew qui capte des instants magiques de vie avec son appareil photo, il y a aussi sa mère qui veut pour eux le rêve américain stable et bourgeois et son père migrant  qui garde au cœur une blessure profonde et enfin Ruth sa grand-mère qui a laissé là-bas en Islande une partie de son cœur. Et puis il y a Hariklia qui doit  partir pour mieux revenir…

Jeanne Benameur nous parle dans ce livre avec une très sensible prose des envies d’ailleurs, de la nostalgie aussi et de l’espoir pour tous ces migrants d’un nouveau départ , de l’immense courage qu’il faut pour quitter sa terre et partir vers un inconnu fantasmé. L’écrivaine nous raconte Ellis Island , zone de transit que tant de corps ,de cœurs ont imprégné de leur espoir, et de leur attente. Ellis Island zone de parcage, de triage où tant de destins se sont croisés, aimés ou détestés et ou la nuit devient un monde à part entière avec des désirs, des peurs un passé qui rejoignent le présent avant que l’aube ne se tourne vers l’avenir.

Ce roman nous dit aussi que le chant et la musique sont de puissants conducteurs d’émotions et permettent souvent d’exprimer ce que les mots ne suffisent pas toujours à raconter.

J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman, et je vous le conseille vivement mais n’en attendez pas la violence de la réalité de tellement de migrations car il est trop plein de poésie et d’espoir pour cela.


"C’est un de ces moments de grâce où la vie retourne à son essence même. On est vivant. Simplement .Et on le sait dans la moindre fibre de son être. On est présent, absolument, et c’est une bénédiction. Ni église ni dieu. Un moment où l’infini est délivré à l’intérieur de soi et c’est une œuvre humaine, rien qu’humaine."



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