Il fait bleu sous les tombes - Caroline Valentiny

Chronique de Scarlett

Résumé : Jusqu’il y a peu, Alexis était vivant. A présent, il ne sait plus. Il perçoit encore la vie alentour, le bruissement des feuilles, le pas des visiteurs, et celui, sautillant, de sa petite sœur qui vient le visiter en cachette.
Il se sent plutôt bien, mais que fait-il là ? Il ne sait plus. Ses proches n’y comprennent rien non plus. Quel est le mystère d’Alexis ? Qu’a-t-il voulu cacher à en mourir ?

Chronique :

"Quand elle sera vieille, elle continuera de chanter, elle sera mère à jamais d’un enfant, d’un jeune homme, elle restera prise dans ces commencements-là puisqu’aucune ride sur le visage d’Alexis ne viendra lui dire c’est bon, maman, tu peux te reposer, regarde, ça va, tu as bien fait ton travail."

Il fait bleu sous les tombes de Caroline Valentiny  est l’histoire d’un deuil à subir, à dépasser pour tenter d’avancer. C’est aussi l’histoire d’Alexis vingt ans, il s’est suicidé, il est mort et enterré et c’est de ce « sous-terre » qu’il s’exprime. Révisant sa vie, son enfance, les avants, les moments de grâce et ceux plus nombreux de doute et d’égarement, il ressent désormais tant de choses qui lui semblaient banales et qui sont devenues si précieuses, comme le chant d’un oiseau, le bruit et le toucher de la pluie. Alexis qui pour ses proches fut un enfant, un adolescent et un jeune adulte solitaire, un peu en retrait mais aussi un passionné de violoncelle. Un être tout aussi complexe et inconnu que chacun d’entre nous au regard des autres. 

Les autres ce sont ses parents, Pierre le père qui tente de survivre à l’absent dans les gestes du quotidien  , et puis Maddie, la mère enfermée dans une « bulle » où elle essaye de retrouver son fils , de le faire revivre à coups de souvenirs, de questionnements  et de chagrin. Les autres c’est Noémie la petite sœur si jeune et ancrée dans le présent, dans la vie qui continue même si son grand frère lui manque. Les autres c’est Juliette la petite amie du jeune homme qui pressentait depuis toujours cette différence d’Alexis, cette nostalgie, cette absence au monde réel.

 L’auteur nous invite dans les pensées de chacun, alternant les intrusions dans l’intimité des uns et des autres de manière pudique et très poétique.

On ressent de plein fouet l’absolue perte que représente la mort de son enfant pour Madeleine, cette fusion avec son tout petit qu’elle cherche à revivre, sa quête de compréhension de l’inconcevable. On comprend aussi pourquoi Pierre le père avance et continue d’avancer malgré tout pour  Noémie et pour la vie tout simplement. 

L’originalité du roman réside dans le récit que nous fait Caroline Valentiny du ressenti de l’absent, de sa perception de la mort, de ce qu’attend Alexis , de ce quelque chose qui peut lui permettre enfin de quitter sa famille, ses souvenirs , de quitter la vie et de lâcher prise enfin.

C’est à la fois un roman sur le deuil mais au-delà un livre sur l’amour d’une famille, des vies qui continuent, de celles qui s’interrompent et des liens indéfectibles qui restent tissés malgré tout, des êtres qu’on doit laisser s’en aller tout en continuant de les aimer.

Merci Madame pour cet émouvant moment de lecture.

"Tout était là, au fond, dans les heures vers lesquelles s’avançait Noémie, dans les milliers de secondes qu’avait été sa vie à lui. Dix ans, vingt ans, cent ans, qu’importait puisque la vie entière était contenue dans l’improbable présence au monde d’un instant."