vendredi 24 septembre 2021

Le dernier tribun - Gilles Martin-Chauffier

Chronique de : SCARLETT

Résumé : Nous sommes à Rome, juste à l’heure où elle va dominer le monde, au septième siècle, au temps de César. C’est la capitale du monde, une ville immense et monstrueuse où s’observent et se haïssent Crassus, Cicéron, Catulle, Pompée, César ou Caton. Spartacus vient d’être tué, Cléopâtre est en ville, l’ambition et la violence sont en ménage, l’art et le sexe s’entendent comme la vis et l’écrou. Tous les vices qui rendent la vie irrésistible s’épanouissent quand les vertus qui la rendent pénible s’évanouissent. Cicéron a fait de la morale son fonds de commerce, se présentant comme la voix du peuple alors qu’il est un défenseur acharné du Sénat et des intérêts de l’aristocratie. Publius Claudius Pulcher, héritier de la famille la plus noble de Rome, se fait adopter par un esclave, change son nom en Clodius, se fait élire tribun de la plèbe et chasse Cicéron de Rome. Cicéron prend le parti de Pompée, Clodius celui de César. La guerre entre eux dura dix ans et la République n’y survécut pas. Leur lutte est racontée ici par un philosophe grec, Metaxas, l’ami le plus brillant et le plus sarcastique de Clodius qui le fait venir d’Athènes à Rome pour lui écrire les discours qui lui permettront d’affronter Cicéron à armes égales dans des joutes oratoires où il oppose la démocratie réelle de Clodius à la démocratie formelle de son adversaire.


Chronique :

 « Les dieux ne m’intéressent pas. S’ils ont voulu les malheurs des hommes, ils sont méchants. S’ils ne les ont pas prévus, ils sont incompétents. S’ils n’ont pas pu les empêcher, ils sont impuissants. A quoi servent-ils ?. »

Le dernier tribun de Gilles Martin-Chauffier fait partie de la foison de livres qui sortent au moment de ce qu’on nomme la rentrée littéraire. Ce roman m’a fait un clin d’œil avant même que je le lise parce que le sujet m’attirait, me semblait sortir des sentiers battus et convenus qui font les « tubes » littéraires de notre époque. Imaginez un roman qui se déroule 50 à 60 ans avant J-C dans la Rome antique, pensez-donc ! Et bien, ce fut un vrai délice de lecture… De l’évasion, de la culture, de l’humour, une écriture à la fois subtile et piquante, des personnages fascinants et une modernité actuelle dans les thèmes abordés voici tout ce que j’ai pu découvrir grâce à l’auteur, sans oublier l’audace de choisir une époque, une histoire en dehors des chemins bien tracés qui semblent fascinés les critiques littéraires du moment. Mais comme à Rome, les modes passent.

Ce roman, c’est l’histoire de Metaxas, philosophe grec trentenaire qui s’ennuie gentiment en ironisant sur tout et rien dans Athènes qui n’est plus le centre du monde. Un messager romain lui intime l’ordre de rejoindre Rome et son ancien camarade Publius devenu le tribun Clodius afin de l’aider dans sa lutte contre Cicéron. Et le voilà en route, aspirant à de belles aventures et de riches rencontres. Vous l’aurez deviné Metaxas est un homme raffiné qui se plait à une ironie gracieuse envers Rome qu’il admire malgré tout puisque tout désormais se passe dans la cité romaine.

Arrivé dans la capitale, il rencontrera d’illustres personnages tels Cicéron surnommé Pois Chiche par ses ennemis, Crassus mais aussi Catule ou Pompée quelque peu mégalo. Metaxas rencontrera de sublimes femmes certaines fascinantes et très influentes en arrière plan politique mais jamais bien évidemment sur le devant de la scène, il déambulera au milieu des grands noms, des influents de l’époque.

Le lecteur fait une agréable balade en politique, les tactiques, les forces et faiblesses de chacun, la qualité d’un orateur qui prime souvent sur le fond du sujet traité. À Rome comme partout et toujours, les sujets  restent les mêmes : Justice, Démocratie, Egalité, République… On se souvient que si la démocratie est née en Grèce, c’est la république qui s’est forgée à Rome. On assiste aux combats du Triumvira formé par Pompée, Crassus et César, et l’auteur nous permet de prendre conscience une fois de plus d’une réalité politique : les époques changent, les sujets et l’attitude des hommes restent identiques. On fait aussi un joli séjour dans la Rome antique très bien décrite par l’auteur, ses ruelles, son grand cirque, ses jeux cruels où meurent les esclaves pour occuper la plèbe.

Le récit est toujours fluide, les propos souvent caustiques. Parfois il arrive que l’on se perde dans les noms, les références historiques par manque de connaissance et c’est bien de pouvoir retrouver des repères d’une époque révolue et pourtant si ancrée dans notre Histoire. Je me répète mais mince que cela fait du bien de lire un livre qui sort des sentiers battus, dont l’écriture est savoureuse, précise, détaillée .  Merci Monsieur pour ce beau moment.

« Passée dans mon âme, l’immense vanité des choses me glaçait le cœur. Oreficos citait parfois une phrase qu’il attribuait à Epicure : « La vie grimpe par l’escalier et repasse par la fenêtre. » C’était tellement vrai.».



 

1 commentaire: