Les gratitudes - Delphine de Vigan

Chronique de Scarlett

Résumé : «  Je suis orthophoniste. Je travaille avec les mots et avec le silence. Les non-dits. Je travaille avec la honte, le secret, les regrets. Je travaille avec l’absence, les souvenirs disparus, et ceux qui ressurgissent, au détour d’un prénom, d’une image, d’un mot. Je travaille avec les douleurs d’hier et celles d’aujourd’hui. Les confidences. 
Et la peur de mourir.  
Cela fait partie de mon métier.
Mais ce qui continue de m’étonner, ce qui me sidère même, ce qui encore aujourd’hui, après plus de dix ans de pratique, me coupe parfois littéralement le souffle, c’est la pérennité des douleurs d’enfance. Une empreinte ardente, incandescente, malgré les années. Qui ne s’efface pas.  »
  Michka est en train de perdre peu à peu l’usage de la parole. Autour d’elles, deux personnes se retrouvent  : Marie, une jeune femme dont elle est très proche, et Jérôme, l’orthophoniste chargé  de la suivre.

Chronique :

  "Je suis orthophoniste. Je travaille avec les mots et avec le silence…Mais ce qui continue de m’étonner, ce qui me sidère même, ce qui- encore aujourd’hui, après plus de dix ans de pratique – me coupe parfois le souffle, c’est la pérennité des douleurs d’enfance. Une empreinte ardente, incandescente, malgré les années. Qui ne s’efface pas."

Les gratitudes de Delphine de Vigan, c’est la rencontre de personnages attachants, bouleversants  à un moment clé d’une vie.

 On chemine avec Michka, vieille dame qui perd la mémoire, celle des mots surtout et qui se retrouve dans une maison de retraite enfin un Ehpad doit-on dire. Michka  rêve ou fait des cauchemars, dans ses rêves elle retrouve la magie des mots, dans ses cauchemars elle vit certaines absurdités de notre société, elle vit ses pertes , ses peurs d’enfant juive durant l’occupation , et celles liées à la fin de vie dans ses plus douloureux moments.

Michka est accompagnée durant cette étape de sa vie par Marie, la narratrice. Marie une jeune voisine qui partage tant de moments précieux et  importants avec la vieille dame, qu’elle considère comme une mère .Marie qui l’assiste affectueusement.

Dans cette maison de retraite, on découvre Jérôme, orthophoniste au service des personnes âgées. C’est un homme attentionné avec les anciens, qui les regarde vraiment vivre -« la coquetterie des vieilles dames me bouleversent »-qui se questionne sur le sens de la vieillesse. C’est aussi un homme avec des souvenirs, une histoire,  et Michka n’hésite pas à le pousser dans ses retranchements, elle l’oblige à questionner le passé pour mieux le dépasser.  

On croise dans ce très doux roman, Madame Danville l’ancienne gardienne d’immeuble qui apporte des chocolats à la vieille dame, des directrices austères et efficaces, d’autres plus prévenantes, des aides-soignantes zélées, d’autres plus à l’écoute.

Ce livre est fait de mots simples et satinés pour nous raconter le crépuscule d’une vie. On y vit des instants comiques, tragiques ou mélancoliques. Le lecteur y rencontre de belles personnes tel Jérôme, s’il vous plait ! , donnez-nous plus de Jérôme dans les maisons de retraite.

L’écriture de Delphine de Vigan est là encore délicate et pudique mais reste très réaliste sur la vieillesse, les pertes et renoncements qu’elle engendre.

Ce roman est aussi, et peut-être surtout, un livre sur les plus beaux des MERCI.

Alors, à moi maintenant de vous dire "MERDI", Madame, pour ce très beau roman, pour ces merveilleuses émotions qu’il a réveillées en moi, Merci pour les merci que j’ai pu prononcer, donner et oublier.

"-Je n’aime pas la nuit.

-Tu ne dors pas bien ?

-C’est à cause des mots, je t’ai dit. C’est la nuit que ..çà se terre…çà se perd, quand je n’arrive pas à m’endormir, je sais bien que c’est à ce moment-là qu’ils s’enfouillent, qu’ils s’enfuient, j’en suis sure, mais il n’y a rien à faire, des wagons entiers, à grande vitesse, rien à faire contre çà, je peux te le dire, même l’ornito…l’oroto…l’orto..."