dimanche 6 octobre 2019

Les simples - Yannick Grannec

Chronique de Scarlett
Résumé : 1584, en Provence. L’abbaye de Notre-Dame du Loup est un havre de paix pour la petite communauté de bénédictines qui y mène une existence vouée à Dieu et à soulager les douleurs de Ses enfants. Ces religieuses doivent leur indépendance inhabituelle à la faveur d’un roi, et leur autonomie au don de leur doyenne, soeur Clémence, une herboriste dont certaines préparations de simples sont prisées jusqu’à la Cour. Le nouvel évêque de Vence, Jean de Solines, compte s’accaparer cette manne financière. Il dépêche deux vicaires dévoués, dont le jeune et sensible Léon, pour inspecter l’abbaye. À charge pour eux d’y trouver matière à scandale ou, à défaut… d’en provoquer un. Mais l’évêque, vite dépassé par ses propres intrigues, va allumer un brasier dont il est loin d’imaginer l’ampleur. Il aurait dû savoir que, lorsqu’on lui entrouvre la porte, le diable se sent partout chez lui. Évêque, abbesse, soigneuse, rebouteuse, seigneur ou souillon, chacun garde une petite part au Malin. Et personne, personne n’est jamais aussi simple qu’il y paraît.




Chronique :




"La vie bat encore en toi. Ou se débat contre l’inéluctable, cherchant une dernière bouffée de légèreté, de vanité, d’un de ces dérisoires plaisirs qui masquent le bout amer de l’existence. "



 Les simples de Yannick Grannec, c’est l’histoire au moyen-âge de cette abbaye de Notre Dame du Loup où vivent une congrégation de sœurs dont la vie, les secrets, les peurs et les joies sont protégées par les murs rassurant du monastère.  Une intrusion orchestrée par l’évêque de Solives dans ce lieu paisible va bouleverser l’équilibre précaire des religieuses. En effet l’évêque ne supportant pas l’autonomie florissante des sœurs, dépêche deux des siens pour enquêter sur le bienfondé de cette indépendance et envoie le vicaire Dambier et Léon au « charbon ». S’engage alors un combat subtile entre le prélat et les nonnes qui engendrera des pleurs, des luttes clandestines, des victimes innocentes, et révèlera  le meilleur et le pire des protagonistes.

Dans ce lieu sacré le lecteur rencontrera des personnages fabuleux, comme Sœur Clémence, une vieille moniale qui connaît le secret des plantes, leurs pouvoirs de guérison qu’elle met au service des autres et qui partage un très beau et triste secret avec Fleur , cette jeune enfant avec qui elle s’entretient clandestinement, et qui ressemble étrangement à Sœur Clémence enfant.

Il y a aussi Gabrielle d’Esteron, future novice et promise à un grand avenir au sein de l’abbaye, ainsi que Mère Marie-Vérane l’abbesse qui doit lutter contre les vindictes extérieures mais aussi contre les basses manœuvres au sein même de sa communauté. On croise aussi Marie-Angèle la prieuré évincée du commandement suprême de l’abbaye et qui ne le supporte pas, Sœur Mathilde, converse sensée et dynamique. Tout ce petit monde va se trouver confronter à un monde extérieur parfois bienveillant mais souvent envieux et intéressé comme dans cette confrontation avec  l’évêque Jean de Solines ambitieux et manipulateur qui enverra Léon de la Sine jeune vicaire tourmenté et intense en ambassadeur.

Ce roman est un régal de lecture pour plusieurs raisons, tout d’abord parce qu’il possède une construction parfaite avec des chapitres courts ou alternent de manière réaliste et profondément humaine le vécu et ressenti de chacun.

D’autre part le livre soulève avec une grande finesse des problématiques comme le poids du pouvoir des hommes sur les femmes, leur ascendant, leur condescendance, cette suprématie institutionnalisée.
De plus il raconte l’importance des plantes dans la médecine de cette époque, la vie des sœurs bénédictines, la folie que peut engendrer la vindicte populaire et l’hystérie collective. Enfin l’écriture est à la fois subtile et juste, poétique et réelle. Yannick Grannec nous livre des personnages succulents, des êtres qui prennent vie sous sa plume.

Un vrai régal à lire absolument. 

"Aujourd’hui, Gabrielle sort de l’enfance, pense mère Marie-Vérane. Elle perd l’invincible protection dont elle se sentait entourée ; l’évidence que tout ira toujours pour le mieux, car d’autres y pourvoiront. Sa  peau se fanera, son dos se courbera, tandis qu’à l’intérieur elle gardera l’âge de cet instant. Elle aura quinze ans à jamais."



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