jeudi 27 août 2020

Alabama 1963 - Manchette & Niemiec

 CHRONIQUE DE SCARLETT

Résumé :Birmingham, Alabama, 1963. Le corps sans vie d’une fillette noire est retrouvé. La police s’en préoccupe de loin. Mais voilà que d’autres petites filles noires disparaissent…
Bud Larkin, détective privé bougon, alcoolique et raciste, accepte d’enquêter pour le père de la première victime.
Adela Cobb, femme de ménage noire, jeune veuve et mère de famille, s’interroge : « Les petites filles, ça disparaît pas comme ça… »
Deux êtres que tout oppose. A priori.
Sous des airs de polar américain, Alabama 1963 est avant tout une plongée captivante dans les États-Unis des années 1960, sur fond de ségrégation, de Ku Klux Klan et d’assassinat de Kennedy.

 

 

 

 

Chronique :


"Adèle songea à ce que sa mère lui répétait souvent lorsqu’elle était petite : «Ris, et on rira avec toi. Pleure, et tu pleureras toute seule."

 

 

Eté 1963, Birmingham dans l’État d’ Alabama : Adela quitte le service de la mère Finnegan car son petit garçon a osé jouer avec la petite voisine blanche . Adela est noire en 1963 dans un État du Sud des USA. Suite à un quiproquo elle se retrouve femme de ménage dans la porcherie qui sert de maison à Bud le détective. Dee Dee une petite fille noire disparait et ses parents devant l’inaction de la police charge Bud ancien flic de l’enquête.

Bud est un homme aigri , alcoolique , qui garde ses chagrins enfouis sous un litre de whisky et qui réunit au début du roman toutes les qualités d’un incurable looser , raciste , grincheux et sale.

Adela quant à elle ne se fait aucune illusion sur les Blancs et ne travaille pour eux que par absolue nécessité alimentaire pour faire vivre ses enfants et son beau-frère handicapé et peu aimable. C’est une jeune femme sympathique, intelligente, qui  n’a pas la langue dans sa poche.

La découverte du corps d’une petite fille noire qui n’est pas Dee Dee  déclenche chez Bud l’instinct de l’enquêteur et la volonté, le dynamisme et les remarques non complaisantes d’ Adela attisent inconsciemment  l’enquêteur dans ses démarches. Une étrange relation s’établit entre les deux faite au départ de méfiance puis de confiance et enfin de respect. C’est un surprenant duo qui à l’époque suscite l’incompréhension de certains, le rejet des autres mais en 1963 Noirs et Blancs ne se mélangent pas à Birmingham.

Alabama 1963 de Ludovic Manchette et Christian Niemiec est un premier roman qui se lit aisément  avec des chapitres courts qui égrènent le quotidien des habitants d’une ville du Sud au fil d’une enquête sur les meurtres de petites filles noires. C’est l’époque de la marche de Washington pour les droits des Noirs et l’égalité promise par Kennedy, c’est encore la période du KKK où deux enfants noirs peuvent être assassinés sans que personne ne bouge, où les bus sont encore divisés en deux zones distinctes,  c’est enfin l’année de la mort de JFK .

Tout cela, le lecteur le vit à travers le regard et la vie des personnages du roman. De Miss Gloria septuagénaire attachante et visionnaire à Bernice la fille d’Adela en passant par Shirley la Canadienne homosexuelle ou bien les copines d’Adela et les anciens collègues policiers de Bud , tous dans leur quotidien, leurs propos, leurs attitudes nous attachent au roman et nous font cheminer simplement aux côtés d’Adela et de Bud .

Ce premier roman simple et efficace se lit avec plaisir.

 

"Elle se dit que, décidément, Dieu avait plus d’imagination qu’elle et que tout était possible en ce bas monde. Si un détective blanc pouvait aider des Noirs, si on pouvait assassiner le président des Etats-Unis, si elle avait pu se débarrasser de Lazarus, si une femme pouvait vivre avec une femme, alors peut-être qu’un jour Elijah pourrait être chirurgien. Ou président. Non, trop dangereux. Chirurgien."

 

 

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