dimanche 10 avril 2022

La patience des traces - Jeanne Benameur

 CHRONIQUE DE SCARLETT

Résumé :Psychanalyste, Simon a fait profession d’écouter les autres, au risque de faire taire sa propre histoire. À la faveur d’une brèche dans le quotidien – un bol cassé – vient le temps du rendez-vous avec lui-même. Cette fois encore le nouveau roman de Jeanne Benameur accompagne un envol, observe le patient travail d’un être qui chemine vers sa liberté. Pour Simon, le voyage intérieur passe par un vrai départ, et – d’un rivage à l’autre – par le lointain Japon : ses rituels, son art de réparer (l’ancestrale technique du kintsugi), ses floraisons… Quête initiatique qui contient aussi tout un roman d’apprentissage bâti sur le feu et la violence (l’amitié, la jeunesse, l’océan), c’est un livre de silence(s) et de rencontre(s), le livre d’une grande sagesse, douce, têtue, et bientôt, sereine.

 

 

 

 

Chronique :


 «Il y a de longues plaintes tenues parfois longtemps dans nos poitrines. Un jour elles trouvent le chemin et montent jusqu’à nos lèvres . Simon est seul et il pourrait hurler sur cette plage mais le son qui sort de sa bouche est bas, rauque. »

 

« La patience des traces »  de Jeanne Benameur c’est l’histoire d’un tournant dans la vie de Simon Lhumain, sacré nom pour un psychanalyste qui devant une aquarelle au ciel bleu azur et un bol cassé qui projettent sur lui des souvenirs et des émotions vibrantes, décide de partir loin pour être totalement dépaysé, ce sera le Japon, les délicieuses iles Yaeyama. Il part en laissant derrière lui des décennies de patients écoutés, une consœur attirante et attirée et des baignades salvatrices.  

Et nous, comme Simon allons être envoutés par le charme de ses hôtes, par leur délicatesse et le respect qu’ils observent devant un Simon parfois réservé ou rêveur , ému, enthousiaste ou pensif selon les journées qui défilent doucement auprès  de Madame Itô collectionneuse de sublimes étoffes ancestrales et de son époux Daisuke qui répare les objets cassés avec du fil  d’or dans un gestuel artistique au doux nom de kintsugi.

Simon , lui est fort pour écouter les maux et les mots des autres, ils ont pour lui une importance considérable et il se retrouve soudainement dans un silence , une écoute de lui-même qui prend de l’ampleur au fil de ces instants d’entre deux passés dans un lieu parfait pour cette introspection et cette mue. Un lieu qui lui permet aussi de découvrir des odeurs, des couleurs, des eaux chaudes et calmes lui qui est habitué à  des eaux plus remuantes, à des marées. Et puis les souvenirs si longtemps refoulés, emprisonnés refont surface et tout en le poussant dans ses retranchements lui permettent de donner de l’espace  pour la ou les suites à venir.

Jeanne Benameur toujours fidèle à son écriture nous offre un roman tout en élégance, en sensations subtiles mais si évidentes qu’elles résonnent en nous. Elle nous parle d’amour bien sur mais aussi de mémoire, de renouveau, de cheminement vers soi même et vers les autres et tout cela avec une grâce poétique qui fait honneur à cette ile japonaise ou vivent Daisuke et Akiko.

Ce fut un très doux moment de lecture

«On n’est maître de rien. On peut juste accepter et mettre tout son art, toute sa vie, à comprendre ce qu’est le fil de l’eau, le sens du bois, le rythme des choses sans nous. Et c’est un travail et c’est une paix que de s’y accorder enfin. La seule vraie liberté.».

 



 

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