Traduction : Carine Chichereau
Résumé : Que disent les livres d’histoire sur Marie de France ? Qu’elle est la première femme de lettres à écrire en français. Pourtant, sa vie reste un mystère. Matrix lève le voile sur ce destin hors du commun. Expulsée de la cour par Aliénor d’Aquitaine, la « bâtarde au sang royal » est contrainte à l’exil dans une abbaye d’Angleterre. Loin de la détruire, cette mise à l’écart suscite chez elle une révélation : elle se vouera dès lors à la poursuite de ses idéaux, à sa passion du texte et des mots. Dans un monde abîmé par la violence, elle incarne la pureté, transcendant les obstacles grâce à la sororité. Moderne, frondeuse et habitée par une grande puissance créative, Marie de France devient l’héroïne absolue, le symbole des luttes d’émancipation bien avant que le mot « féminisme » existe.
Chronique :
«L’effondrement est l’état permanent de l’humanité, songe t-elle ; l’histoire du déluge et de la grande arche qui sauva les créatures deux par deux n’est que le premier refrain d’une chanson appelée à être chantée encore et encore le déclin graduel et répété de la terre, une civilisation après l’autre s’écroulant sous la poussière…. »
Après avoir voyagé quelques temps avec Aliénor d’Aquitaine dans le roman de Marie-Noëlle Demay, je chemine désormais avec Marie bâtarde royale que cette même Aliénor va envoyer s’exiler dans une abbaye anglaise.
Marie, c’est cette jeune femme issue d’une famille française de femmes fortes, érudites et hardies cavalières. Expatriée par la volonté des hommes à la cour d’Angleterre où elle côtoie Aliénor d’Aquitaine dont elle tombe follement amoureuse, elle se retrouve brusquement dans cette sinistre et misérable abbaye isolée de tous au milieu d’un parterre de femmes aux personnalités diverses et variées.
C’est ainsi que Lauren Groff nous plante le décor de l’histoire de cette femme de grande taille et peu gracieuse Marie de France qui de part sa volonté, sa pugnacité, son intelligence forgera une abbaye protectrice pour ses sœurs et elle-même. Elle créera avec l’aide des novices, des sœurs, des paysannes une infirmerie, un labyrinthe, un scriptorium et tant d’autres choses qui les mettront à l’abri de la faim, des chasseurs de toutes sortes.
Dans ce roman on croise des sous prieures agressives mais aussi des sœurs folles éclairées, des novices aimantes, d’autres affamées, des reines charismatiques, des tantes et une mère tant aimées mais disparues ou trop éloignées et une jeune femme
L’auteure nous livre un roman la plupart du temps en huit clos dans l’enceinte de cette abbaye où l’on voit s’épanouir, se trouver Marie au fil du temps. Souvent isolée au milieu de toutes ces moniales, elle confie au papier ses pensées, ses idées, ses créations et ses sentiments. Cette femme issue d’un viol, éloignée de ses proches par la volonté des puissants se hisse au rang des femmes victorieuses, transcendant son destin par une volonté hors du commun, emmenant dans son sillage toute une cohorte de femmes assignées à résidence.
Lauren Groff en honorant la mémoire de Marie de France apporte une nouvelle pierre à l’édifice des livres qui tout en discrétion et élégance porte haut les couleurs des femmes combatives, résilientes, précurseurs et à la fois profondément et humainement fragiles et sensibles.
«Elle repartit dans la nuit comme si elle était aveugle, en se demandant si en cet instant, elle n’avait pas été au plus proche de dieu- non pas l’invisible parent, non pas le soleil réchauffant la terre et incitant les graines à pousser dans le sol, mais ce rien au cœur du moi. Pas le Verbe, parce que le Verbe limite la grandeur de l’infini ; mais le silence au-delà du Verbe où réside l’infini.».
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