lundi 12 avril 2021

Exercice de confiance - Susan Choi


CHRONIQUE DE SCARLETT

Traduction : Laure Manceau

Résumé :  Sud des États-Unis, début des années 1980. David et Sarah s’aiment comme seuls peuvent s’aimer des adolescents – intensément, obsessionnellement. Ils ont quinze ans, rêvent de permis de conduire, d’une carrière artistique et viennent d’intégrer une prestigieuse école d’art dramatique. Sous la férule du professeur Kingsley, un “vétéran” de Broadway aux méthodes peu conventionnelles, les deux jeunes gens sont initiés au métier d’acteur – leurs émotions sont exhibées et disséquées, leurs vulnérabilités mises à nu. Mais en coulisse, c’est un jeu bien plus trouble – de pouvoir et de prédation – qui se joue. Douze ans après la fin de leurs études, Sarah retrouve certains de ses anciens camarades et un nouveau récit nous est révélé. Les rôles sont redistribués, des zones d’ombre sont éclaircies tandis qu’une autre vérité prend forme. Que s’est-il réellement passé à l’époque ? Qui faut-il croire ? Peut-on seulement se fier à soi-même, à ses propres souvenirs ? Questionnant le lien de confiance unissant le lecteur et l’auteur, Susan Choi livre un roman explosif sur les frontières du consentement et la malléabilité de la mémoire. Un tour de force littéraire couronné par le National Book Award en 2019.


Chronique :

"Tel le spectre d’une hôtesse de l’air flottant dans l’allée, je regarde ces deux adolescentes, Sarah qui n’aime pas Liam, Karen qui n’est pas aimée de Martin, et j’éprouve une mélancolie qui confine à la compassion. Les deux ont la même tristesse."

 

Dans « Exercice de confiance »  Susan Choi nous amène dans une ville du Sud des States. Là Sarah et David jeunes adolescents se rencontrent à l’Aca, école des arts et du théâtre. Leur attirance est immédiate et électrique. Et puis à un moment donné sur une succession de non-dits ils commencent à s’ignorer et jouent tellement bien l’indifférence qu’on devine l’effort d’acteur que cela leur demande et la violence que cette feinte indifférence fait subir à Sarah qui se retrouve ballotée dans une succession de sentiments confus et épuisants. Dans cette première partie du roman on rencontre les enseignants qui les entourent, les autres jeunes élèves de cette école si particulière. Ainsi on croise Manuel dont le fort accent hispanique ne met pas en valeur l’exceptionnel don pour le chant, ainsi que Joëlle qui voudrait rester la meilleure amie de Sarah malgré le temps qui les différencie et les éloigne inexorablement. Il y a aussi Karen, Pammie , Norbert ainsi que Martin, Liam et tous ces jeunes élèves anglais qui viennent un moment bousculer l’agencement et la place que chacun s’est trouvé ou a subi dans le roman.

Et oui dans le roman, parce que la deuxième partie du livre nous dévoile que ce que nous venons de lire est en fait le récit que Sarah a traduit dans un roman de sa version de l’histoire à l’Aca, son histoire, son ressenti. Sarah qui est devenue auteure et qui croise dans une librairie de Los Angeles lors d’une rencontre avec ses lecteurs Karen son ancienne amie de l’Aca dont elle s’est éloignée perdue dans la tourmente de ses années de l’Aca.

Dans la première partie du roman, nous lisons essentiellement le regard de Sarah sur ses années d’adolescente. Son relationnel avec des profs à la forte personnalité comme Mr Kinsgsley , son attirance foudroyante pour David et puis dans la seconde moitié de ce livre on comprend à travers le regard de Karen et des autres que certains événements très particuliers ont marqués à jamais ces jeunes , la vérité des uns étant souvent très éloignée du ressenti des autres.

Le livre de Susan Choi est exigeant, il demande un réel engagement de lecture car la première partie est un peu longue et assez lente en rythme tout en étant foisonnante de sentiments exacerbés. Les personnages peuvent nous sembler un peu confus alors que la seconde partie nous dévoile des êtres blessés , heurtés par les non-dits ainsi que les violences et agressions faites par des adultes. Les deux versions et le final qui remet tout en perspective soulignent les aléas de la mémoire, l’interprétation que l’on peut donner aux gestes, aux faits et les malentendus irréversibles qui peuvent en résulter.

Cela ressemble bien à un exercice de confiance entre le lecteur et l’auteure et il faut pour y prendre plaisir lâcher prise et se lancer dans la lecture sans a priori en insistant un peu car l’auteure a crée un roman d’une vraie et belle sensibilité qui se dévoile au fur et à mesure du récit.

 

"-Tu as senti que tu devais en avoir un ? Ou pensé que tu devais en avoir un ? Souvent, les pensées sont trompeuses. Un sentiment, lui, est toujours réel. Pas forcement vrai, mais réel ."



 

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