mercredi 5 mai 2021

La Chasse - Bernard Minier

CHRONIQUE DE SCARLETT

Résumé :

Sous le halo de la pleine lune, un cerf surgit de la forêt. L’animal a des yeux humains. Ce n’est pas une bête sauvage qui a été chassée dans les forêts de l’Ariège… Dans ce thriller implacable au final renversant, Bernard Minier s’empare des dérives de notre époque. Manipulations, violences, règlements de comptes, un roman d’une actualité brûlante sur les sentiers de la peur. Une enquête où Martin Servaz joue son honneur autant que sa peau.

 

 

 

 

 

Chronique :


« -Le mot justice. C’était ce mot qui hantait les manifestants en gilets jaunes sur les ronds-points l’année d’avant, les associations de victimes exigeant plus de sévérité envers les criminels, les femmes et les hommes sur Twitter dont l’enfance avait été ravagée par des adultes, les gamins des quartiers qui voulaient avoir les mêmes opportunités que les autres et même les dealers et les gosses de la cité cette nuit-là. Justice. »

 

Une forêt, un jeune homme à tête de cerf, une voiture dans la nuit, le choc, l’accident mortel. Que fuyait ce jeune homme sur une route ariégeoise isolée en pleine nuit ? C’est à cette question que devront répondre Servaz et son équipe dans le nouveau roman de Bernard Minier La chasse. En pleine pandémie de Covid, le jeune homme à tête de cerf décédé dans l’accident n’est pas tout à fait une victime innocente, petit truand des cités, puis trafiquant de drogue, accusé de viol, Moussa a échappé à la tentacule judiciaire mais les circonstances de sa mort, la mise en scène de la course poursuite qui l’a amené sous les roues d’une voiture ainsi que son appartenance aux banlieues font craindre des mouvements de révolte si l’enquête n’est pas rondement menée.

On retrouve donc le commandant Servaz entouré de ses coéquipiers Samira et Vincent et d’un petit nouveau du nom de Raphael Katz. Servaz devra durant cette enquête garder la tête froide face aux différents protagonistes et visages de l’enquête mais aussi devant les choix qui s’offrent à Léa sa compagne et qui pourraient changer totalement sa vie et celle de son fils Gustav.

Ce roman au-delà d’une enquête menée tambour battant à un rythme toujours aussi cadencé, l’auteur dresse un bilan exhaustif de notre société. Tant de problèmes d’une actualité instantanée sont abordés qu’on en chialerait de peur, de tristesse et de colère. Les banlieues miteuses où les trafics de drogue alimentent l’intégrisme, où une jeunesse larguée et désemparée alimente en violence quotidienne le carburant des chaines de TV devant qui s’agglutinent de pauvres confinés en plein désarroi, la solitude des forces de l’ordre devant le rejet dont elles font l’objet, le mal être général... L’auteur  nous livre  ce constat social affolant et inquiétant au milieu d’une enquête qui nous permet de croiser des policiers humains et intègres, des flics ripoux, des petites racailles, des friqués hautains, des gosses de riches, des ratés et une majorité silencieuse masquée et atomisée. Tout cela représente un panel de vies, d’intérêts si différents qu’on comprend un peu pourquoi il est si difficile de fédérer un minimum tous ces personnages vers un même « contrat social ».

En lisant ce livre dont l’écriture est toujours aussi directe, fluide et rythmée, tout en me régalant de l’enquête j’avais l’impression de regarder une de ces chaînes d’infos non stop et je me disais « putain on est mal barré ». De fait, moi qui lis souvent pour respirer, m’évader, rêver j’ai eu un gros coup de mou devant l’évidente et implacable réalité de ce roman. C’est d’ailleurs assez bluffant cette prémonition des évènements qu’a eu Bernard Minier. Et en même temps n’est-ce pas prévisible ???

En tous les cas à la fin de ma lecture, sans être un Bisounours j’ai eu besoin de me remémorer l’échange de Frodon et de Sam Gamegie «  - En quoi avons-nous foi Sam ? –Il y a du bon en ce monde Monsieur Frodon, et il faut se battre pour cela ! »

 

« Servaz songea que la vie était comme ces gyrophares : une lueur entre deux éternités de nuit. Elle brille un court moment puis s’éteint. Et la seule chose qui demeure, c’est le souvenir de cette lueur. Qui finit par s’éteindre, lui aussi. »

 


 


 

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