vendredi 27 août 2021

Maikan - Michel Jean

Chronique de : SCARLETT

Résumé : Nitassinan, août 1936. Sur ordre du gouvernement canadien, tous les jeunes Innus de Mashteuiatsh sont arrachés à leurs familles et conduits à plus d’un millier de kilomètres au nord, dans le pensionnat de Fort George tenu par des missionnaires catholiques. Chaque jour apporte son lot de coups et d’humiliations : tout est bon pour « tuer l’Indien dans l’enfant ». Maikan. Des loups. Voilà ce que sont, des années durant, les religieux aux yeux des enfants. Montréal, 2013. L’avocate Audrey Duval recherche des survivants. Dans une réserve isolée de la Basse-Côte-Nord, elle retrouve Marie Nepton, une vieille Innue qui va lui raconter tout ce qui s’est passé à Fort George : la violence aveugle s’abattant sur les corps et les esprits, mais aussi la force de l’amour et la grâce de l’amitié qui, seules, ont pu contrer la barbarie.


Chronique


 « La réserve n’offre rien d’autre que des rues de terre, des habitations dénuées de charme et mal entretenues. Ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans une communauté autochtone s’en font souvent une idée empreinte de romantisme. Mais la vérité est que Pakuashipu exsude l’ennui. »

1936, Mashteuiatsh au Québec sur les rives du lac St Jean, Marie et Virginie deux jeunes adolescentes de la communauté Innu se réjouissent de repartir vers le territoire fait de bois et montagnes pour rejoindre le campement hivernal. Virginie est élancée, ombrageuse et combative là où Marie plus petite est plus calme et docile. Elles ne sont pas de la même famille mais un lien très fort les unit. À l’approche du départ, elles vont se retrouver enlevées, emprisonnées, embrigadées dans le pensionnat de Fort Georges loin de leur cher territoire, loin de leur famille, loin de leurs racines, pour y être « éduquées » et « formatées » selon la volonté du gouvernement canadien et sous la coupe des religieux.

Beaucoup plus tard, en 2013 à Montréal Audrey jeune avocate impétueuse, dynamique et volontaire se donne pour mission de retrouver les pensionnaires  innus de Fort Georges  afin de leur permettre de recevoir un dédommagement pour toutes les conséquences désastreuses et ignobles de cet enfermement voulu par les autorités de l’époque pour « assimiler » ces communautés à la culture d’Etat.

Ce roman MAIKAN de Michel Jean est un sublime hommage à des enfants qui ont perdus leur identité, leurs repaires, leur famille et leur dignité comme Charles cet orphelin qui a dû laisser derrière lui un grand-père dévasté, comme Marie et Virginie, comme Jeanne et tous les autres. Tous aux prises avec la rigidité d’une éducation abusive, violente et agressive par des religieux qui n’ont rien à voir avec la compassion qu’ils prônent. Quand des loups avides dévorent des brebis sans défense cela devient un vrai carnage.

Et sous la plume de l’auteur, dans un livre aux chapitres courts où alternent le présent avec la quête d’Audrey et le passé de ces enfants déracinés , on touche du doigt une énième horreur orchestrée par des hommes pour des raisons de pouvoir, de politique. Grâce à Michel Jean nous approchons aussi la grâce de ces traditions anciennes ancrées dans des paysages grandioses et magnifiques.

Le lecteur ressent parfaitement le froid, le gris et la morosité des pensionnats de l’horreur ou des réserves actuelles bétonnées et cafardeuses mais aussi les couleurs, les odeurs, le vent et la légèreté rude d’une vie innue au plein air dans des territoires sans limite.

Ce roman nous permet de rencontrer des personnages attachants dans leurs moments de bonheur et leur douleur absolue, tels Jimmy qui passe sa vie à recueillir les autochtones en détresse ou bien Marie qui noie sa souffrance dans de l’alcool bon marché. Et la rencontre entre celle-ci et Audrey relève d’un moment magique.

Ce roman est bouleversant, tout en restant pudique et généreux. Merci à l’auteur pour ce moment de lecture si émouvant.

 

« Virginie et Charles étaient faits l’un pour l’autre… Avec le recul, je pense aussi qu’ils étaient, dans leurs manières surtout, trop innus pour lui. Tout en eux tenait dans les regards, dans la lenteur et l’économie.».

 

SCARLETT

 


 

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