samedi 29 janvier 2022

Lectrice Charleston 2022 #1

 En tant que lectrice Charleston 2022 j'ai eu la chance de lire en avant-première leurs titres de janvier. Voici mon avis concernant leurs nouvelles parutions ! 

 

Traduction : Laurent Bury

Résumé :

Troie est tombée. Les soldats grecs ont remporté leur guerre acharnée. Ils peuvent rentrer chez eux couverts de gloire et de trophées : or, armes, femmes. Mais les dieux, offensés par ces années de sanglants combats, en ont décidé autrement. Les vents contraires se lèvent, retenant les navires dans l’ombre de la cité détruite. Pour Briséis, la reine déchue qui porte à présent l’enfant d’Achille, et pour toutes les Troyennes, une longue attente s’annonce, mais peut-être aussi la chance, au cœur de cette guerre d’hommes, de changer le cours de l’Histoire… Après Le Silence des vaincues, Pat Barker poursuit sa réécriture du plus grand mythe fondateur de notre littérature, dans un récit ambitieux qui laisse entendre, enfin, la voix des femmes.

Chronique : 

L’histoire commence dans le ventre du mythique cheval de Troie et nous amène sur les côtes troyennes dans les campements grecs. C’est une période post guerre et plus intime que l’auteur choisit de nous faire connaitre puisque les guerriers comme les esclaves, les vainqueurs et les vaincus se trouvent dans l’obligation de vivre ensemble dans l’attente de vents favorables au départ des bateaux. Pat Barker nous transporte dans les baraquements des femmes esclaves à vivre au plus près de leur quotidien, de nous rapprocher des soldats vainqueurs un peu désemparés voire démoralisés par l’inaction mais cela nous permet d’avoir accès à leurs pensées intimes, à l’évolution de leur caractère dans l’immobilité et l’oisiveté. Pendant ce temps, les éléments naturels se déchainent que ce soit la mer ou bien le vent qui sont des facteurs  incontournables de ce récit ce que l’auteur excelle à nous faire ressentir. Les Dieux bien évidement sont omniprésents dans la pensée de tous les personnages, ils semblent à la fois sourds aux demandes humaines et en même temps décisionnaires des tragédies comme des victoires.

Les personnages du roman évoluent  subtilement dans le temps , que ce soit Briséis qui prend une ampleur nouvelle, passant du rôle d’esclave vaincue à celui d’épouse de Myrmidon, protégée par son illustre enfant à naître et qui choisit ses combats, qui essaye d’aider ses compagnes moins favorisées et qui semble même plus apaisée. Son futur enfant est celui d’Achille figure toujours présente dans l’esprit de tous et dont l’absence fantomatique oriente les décisions de nombreux acteurs de ce roman, notamment les choix de Pyrrhus qui restera dans ce très bon livre mon personnage favori parce qu’être dédaigné parmi les champions est plus difficile à vivre qu’être honorable dans la défaite. C’est un jeune homme qui doit porter très haut l’héritage de son père, qui n’a d’autre choix que d’être à défaut de meilleur, au moins aussi bon que l’illustre Achille mais qui rame à défaut de nager et qui malgré sa violence de guerrier m’a attendrit par ses tentatives de grandeur et ses attentions maladroites. Il a une complexité, des fêlures, une fragilité qui se rapprochent bien plus de notre condition humaine que les actions héroïques d’un Achille ou les pouvoirs surnaturels des habitants de l’Olympe. La force de ce roman réside aussi dans la présence incontournable et inoubliable de femmes fortes, et sensibles, opportunistes pour certaines, faillibles pour d’autres que ce soient Hélène, Hécube, Cassandre ou Amina ; là ou l’histoire originelle nous offre des guerriers et des héros masculins forgés dans le marbre des mythes. Ce roman est un brillant hommage à toutes ces voix féminines ignorées, bafouées.

L’écriture de l’auteur est intime et fluide. Pat Barker sait à la fois nous emmener sur des terres saoulées de vent, proches de mers déchainées ou dans des cabanes bondées de femmes égarées, apeurées. Le lecteur se promène dans les banquets avinés grecs, dans les jardins abandonnés de Troie ou le sable de la mer Égée.

Ce fut un délice de lecture tant par la diversité et la finesse des personnages que par l’histoire grandiose où se côtoient des petits et des grands dans une tourmente orchestrée par l’Olympe ou le choix des hommes.

J'ai adoré ce roman qui peut se lire seul mais qui prend toute son ampleur si on a eu la chance de lire le premier tome.

 

Traduction : Laura Bourgeois

Résumé :

Au cœur des forêts de l’Illinois, Joanna Teale s’est façonné une routine paisible et solitaire. Levers à quatre heures du matin, randonnées difficiles en quête de nids d’oiseaux, recensements d’espèces… Dans la chaleur étouffante et humide de l’été, elle s’abandonne à ces journées en pleine nature loin du tumulte du monde. Jusqu’à ce qu’une étrange petite fille vienne bousculer ce fragile équilibre. Pieds nus et en pyjama, Ursa apparaît un soir dans le jardin de Joanna, presque invisible dans les bois crépusculaires. Elle affirme être venue des étoiles pour assister à cinq miracles sur Terre. Rêveries d’une enfant ou réalité perturbante ? Le mystère ne fait que s’épaissir à mesure que les jours passent. Pourtant, la jeune femme et l’énigmatique fillette vont petit à petit s’apprivoiser, se découvrir et apprendre à vivre ensemble. Premier roman envoûtant, Là où les arbres rencontrent les étoiles est un voyage merveilleux et onirique, un hymne à la nature et aux relations humaines.

Chronique :

Là où les arbres rencontrent les étoiles est un roman à l'image de son titre : poétique et émouvant. Au travers de la rencontre entre Joanna et Ursa, Glendy Vanderah met en lumière des sujets forts et essentiels. C'est un titre d'une grande sensibilité qui permet d'aborder des questions existentielles et des thèmes forts. Plonger dans ce livre c'est accepter de douter jusqu'au dénouement entre la réalité et le fantastique, entre la vérité et la fiction. Tout le long de cette lecture, on s'interroge sur l'identité d'Ursa, est-elle réellement une extraterrestre ou est-ce une invention qui cache un drame ?

La grande force de ce roman repose sur son atmosphère presque irréelle et en même temps très ancrée dans le présent. C'est un titre dans la lignée du Petit Prince : à la fois conte philosophique et récit d'une profonde sincérité où le lecteur en sortira avec une leçon toute personnelle.

J'ai ainsi particulièrement aimé les différents protagonistes de ce livre particulièrement Ursa, Gabe et Joanna. Ils ont chacun une personnalité riche et complexe, ce sont des êtres que la vie n'a pas épargné et qui gardent pourtant une grande bienveillance dans leur cœur.

Si je n'ai pas eu un coup de cœur pou ce titre c'est en raison du style. J'aurais aimé un texte plus proche du nature writing (comme par exemple Là où chantent les écrevisses), il y a de trop nombreux dialogues qui rendent la plume (la forme) un peu trop "simpliste" par moment et cela amoindrit un peu la beauté poétique et philosophique du fond.

En définitive, ce roman mêle avec talent conte philosophique et roman initiatique, c'est un texte fort dans les thèmes abordés, émouvant dans les messages transmis et d'une sincère sensibilité dans l'intrigue racontée.

 

 

Traduction : Typhaine Ducellier

Résumé :

Où vous voyez-vous dans cinq ans ? Quand on lui pose cette question lors de l’entretien pour le poste de ses rêves, Dannie Kohan a une réponse toute prête. Elle sera associée du cabinet d’avocats, mariée à David, et ils passeront leurs vacances dans les Hamptons. Aucune place pour le hasard dans sa vie millimétrée. D’ailleurs, le soir même, David la demande en mariage. Après une merveilleuse soirée, Dannie s’endort en paix, rassurée par l’idée que tout se passe exactement comme prévu. Mais le lendemain matin, elle ne peut se défaire d’un souvenir étrange : elle se réveillait dans un autre appartement, aux côtés d’un autre homme. Bien décidée à oublier ce qui ne pouvait être qu’un mauvais rêve, Dannie reprend le cours de sa vie malgré les mises en garde de Bella, sa meilleure amie fantasque et imprévisible. Pour cette dernière, il s’agit forcément d’une vision prémonitoire, mais Dannie ne croit pas à ces choses-là. Jusqu’au jour où elle rencontre l’homme de sa vision.

Chronique :

Dans la lignée du film Family Man ou du livre Un jour, Dans Cinq ans nous interroge sur le côté imprévisible de la vie, sur nos choix et le destin.

Lire un roman tel que celui-ci permet de se rappeler en quoi consiste la beauté même de l'existence : son caractère éphémère et inattendu. Aux côtés de Dannie, Bella, David et Aaron, le lecteur savoure chaque seconde qui passe, se questionne sur ce qui va se passer à la prochaine page et accompagne les protagonistes jusqu'à la fin (ou le début d'un nouveau chapitre ?). 

Malgré une première moitié un peu superficielle dans la forme et le fond, la deuxième moitié du roman propose un nouveau tournant et nous fait passer par de nombreuses émotions.

L'auteure a su offrir un moment émouvant et sensible à son lectorat malgré le côté un peu "déjà vu" d'une telle histoire. Le message transmis est universel et nécessaire : profitez de la vie, avancez, croyez en vous et n'ayez pas peur de ce qui peut arriver, réalisez vos rêves. Vivez chaque jour comme si c'était le dernier.

 

Résumé :

Quand Susie Pritt est embauchée par la famille Wagner pour peindre une fresque murale pour leur fils disparu, elle comprend vite qu’il ne s’agit pas d’une banale histoire de fugue ou d’un tragique accident. Niels a disparu dans sa chambre. Depuis un an, il ne sort plus, ne parle plus ni à ses parents ni à sa sœur, ne communique plus par aucun moyen. Il est là, juste à côté, mais il vit en dehors du monde. Hantée par ses propres démons, Susie se donne pour mission de faire revenir le jeune homme. Alors qu’ils s’apprivoisent mutuellement, ces deux êtres blessés par la vie vont s’accompagner à leur façon sur le chemin de la guérison.

Chronique :

Juste à côté de moi nous fait découvrir deux êtres blessés par la vie : d'un côté Susie qui tente de survivre à son deuil, à la mort de sa sœur lors des attentats du 13 novembre, de l'autre Niels, jeune homme à peine sorti de l'adolescence qui n'arrive pas à quitter sa chambre.

Ce roman met en exergue une génération souffrant face à la violence omniprésente au sein de la société, une violence qui peut prendre de multiples formes : le terrorisme, la compétition économique, les tensions sociales. Malgré les quelques années qui les séparent, Susie et Niels vont apprendre à se connaitre et vont surtout se comprendre, ils vont essayer de se battre pour sortir de leur carapace, pour affronter l'avenir, pour avancer.

J'ai aimé la sensibilité qui se dégage de ce livre, j'ai aimé la sincérité qui transparait des doutes des deux personnages. L'auteure offre une voix à des êtres qui n'ont pas forcément la force de parler : des êtres brisés par la vie et qui tentent de se relever. J'ai aussi apprécié l'originalité d'un des thèmes abordés, celui des hikikomoris, ces jeunes gens qui n'arrivent plus à sortir de chez eux et se laissent dépérir, enfermés, en attendant que la vie passe.

Après je n'ai pas été pleinement convaincue par ce livre pour deux raisons : d'une part j'ai trouvé l'atmosphère du livre assez pesante sans forcément être émouvante. Je n'ai pas été émue aux larmes en lisant ce livre mais j'ai ressenti une profonde détresse, c'est un roman dont on ressort assez déprimé malgré la fin qui laisse de l'espoir. J'aurais ainsi apprécié un dénouement plus lumineux et des touches d'humour pour alléger le propos principal. D'autre part j'aurais préféré que la relation entre Susie et Niels soit moins ambivalente, que cela ne joue pas sur l'amitié/amour, que l'auteure aille jusqu'au bout soit de l'amitié soit de la romance mais pas entre les deux (surtout alors que Susie est enceinte d'un autre homme).

En définitive, ce roman est entre ombre et lumière à l'image de la vie. C'est l'histoire d'une rencontre entre deux personnages brisés qui vont apprendre à se reconstruire ensemble, à avancer et à espérer : un livre sensible, tragique et en même temps ouvert à la possibilité d'un lendemain éblouissant.


 

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